Le gouvernement veut interdire la vente de certains antibiotiques par les vétérinaires, accusés d’être à l’origine des résistances. Les études montrent pourtant le contraire. Et les pharmaciens n’ont pas les compétences pour conseiller les propriétaires d’animaux.
Jusqu’à maintenant, le vétérinaire couplait les activités de prescription et de délivrance des médicaments. Une nouvelle loi veut « découpler », ces deux actions. Le vétérinaire ne serait plus que le prescripteur et le pharmacien serait le délivreur. On appelle ça le « découplage. » Les vétérinaires jouent pourtant un rôle de conseiller que les pharmaciens ne sont pas en mesure d’endosser, faute de formation. La « journée sans vétérinaire » du 6 novembre visait à alerter le public sur cette décision dont souffriront indirectement les propriétaires d’animaux, les animaux et les vétérinaires.
Les vétérinaires accusés à tort d’être à l’origine des résistances aux antibiotiques
Pour comprendre la logique de cette décision regrettable, il faut savoir que l’on accuse les vétérinaires d’être à l’origine d’une grande partie des résistances aux antibiotiques. Cela concerne davantage les vétérinaires ruraux car les traitements antibiotiques qu’ils prescrivent sur les vaches se retrouvent partiellement dans la viande que l’on consomme et peuvent donc induire des antibio-résistances chez les consommateurs. Conscients de ce risque, les vétérinaires ruraux ont adopté une attitude qui a permis de réduire de 30 % l’utilisation des antibiotiques en 5 ans. De plus, des études scientifiques indépendantes ont prouvé que ce mécanisme d’antibio-résistance est très minoritaire en comparaison de ce que l’on rencontre en médecine humaine (où elle découle de mauvais usages, dus essentiellement à un suivi déficient des prescriptions par les patients).
Une réunion constructive en octobre 2013 avec le Ministère de la santé…
Début octobre 2013, le Ministère de la santé (dont les vétérinaires ne dépendent pas) a convoqué les vétérinaires pour discuter du problème. Il voulait proposer le découplage prescription-délivrance. Les instances vétérinaires ont alors montré les études et les efforts déjà réalisés. Nous avons également signalé au Ministère que dans les pays (Italie, Espagne) où un tel découplage a été mis en place, la santé publique et la situation sanitaire des denrées alimentaires se sont fortement dégradées et pourtant, l’antibio-résitance n’a nullement régressé. Se rendant apparemment aux arguments des vétérinaires, le ministère a donc accepté de renoncer au découplage. D’autant que l’assurance de non-découplage était une promesse de campagne de François Hollande.
… mais un coup de poignard dans le dos
Hélas, sitôt les instances vétérinaires sorties de la salle de réunion, un article a été rajouté, imposant le découplage et reléguant les vétos au second plan des ayants-droits en matière d’antibiotiques. Même pour les injections faites sur les vaches, le vétérinaire ne pourra plus se fournir qu’auprès des pharmaciens.
La liste des antibiotiques concernés sera arbitrairement étendue par le ministère
Pour le moment, seuls les antibiotiques critiques feraient l’objet du découplage. Il s’agit en principe d’antibiotiques de dernière génération. Mais cette catégorie inclut aussi un mixe de plusieurs antibiotiques très anciens, connu en médecine humaine sous le nom d’Augmentin. Ce médicament est fréquemment utilisé par les vétérinaires, surtout en milieu rural. De plus, la liste de ces antibiotiques critiques pourra être révisée à tout instant sans consultation de quiconque. A terme, les vétérinaires n’auront donc plus accès à aucun antibiotique, voire à aucun médicament.
Les pharmaciens n’ont aucune formation en médecine vétérinaire
Les arguments scientifiques des vétérinaires n’ont donc pas été pris en compte. Les fortes pressions du lobby des pharmaciens l’ont emporté sur le bon sens et la rigueur. Les pharmaciens sont en effet attirés par la manne que représente la vente directe de médicaments, aux propriétaires d’animaux. Or, ces pharmaciens ne connaissent pas les problématiques vétérinaires car ils n’ont aucune formation sur les animaux, les médicaments utilisables en médecine vétérinaire et leurs posologies. C’est ainsi que nous avions piégé des pharmaciens (lire encadré).
Les vétérinaires ruraux seront étranglés
Dans les milieux ruraux, de nombreux vétérinaires se déplacent au chevet des vaches malades, dans des zones où il n’y a plus ni médecin, ni pharmacien, voire ni Poste ni école. C’est la désertification des campagnes. A tel point qu’en 2012, une ministre PS avait proposé que les vétérinaires soignent aussi les humains dans ces zones rurales ( !). La vente de médicaments représente une grosse part des revenus des vétérinaires ruraux, qui ont ainsi ajusté leurs tarifs en fonction de cet état de fait. Si le découplage se met en place, ces vétérinaires ruraux devront travailler dans des conditions très difficiles et certains devront mettre la clef sous la porte
Des pharmaciens prouvent leur incompétence
En 2012, nous avons démontré l’incompétence des pharmaciens en matière de prescriptions vétérinaires. Nous avons ainsi soumis une ordonnance à 20 d’entre eux. Ils ont tous délivré sans broncher de l’Augmentin pour un lapin nommé Pimpim, alors qu’un tel antibiotique est mortel en 3 jours maximum sur les lapins et rongeurs. Notre brave Pimpim est mort virtuellement 20 fois sur 20 essais